Arthur Rimbaud

Ses poèmes annotés, sa biographie...

Le Châtiment de Tartufe

Ce poème d’inspiration satirique et très anticlérical peut être rapproché d’autres pièces écrites à la même période, comme « Le Forgeron », « Vénus Anadyomène », ou « Un cœur sous une soutane ». Elles ont toutes été confiées à Georges Izambard en 1870.

Tisonnant, tisonnant son cœur1 amoureux sous
Sa chaste robe noire2, heureux, la main gantée,
Un jour qu’il s’en allait, effroyablement doux,
Jaune, bavant la foi de sa bouche édentée,

Un jour qu’il s’en allait, « Oremus 3», – un Méchant
Le prit rudement par son oreille benoîte4
Et lui jeta des mots affreux, en arrachant
Sa chaste robe noire autour de sa peau moite !

Châtiment !... Ses habits étaient déboutonnés,
Et le long chapelet des péchés pardonnés
S’égrenant dans son cœur, Saint Tartufe était pâle !...

Donc, il se confessait, priait, avec un râle !
L’homme se contenta d’emporter ses rabats5...
– Peuh ! Tartufe était nu du haut jusques en bas6 !

Arthur Rimbaud

Manuscrit autographe confié à Paul Demeny en octobre 1870.

  1. Le début du vers indique le sens sexualisé du mot « cœur » comme dans le poème « Un cœur sous une soutane ».
  2. Tartufe n’est pas prêtre mais il est habillé de noir comme dans la pièce de Molière.
  3. Prions
  4. « Bénie » au sens éthymologique. Emploi ironique qui signifie « qui prend un air doucereux »
  5. Larges cravates formant un plastron que les religieux ont portées jusqu’au début du XXe siècle.
  6. Référence à ces vers de la pièce de Molière : « Et je vous verrais nu du haut jusques en bas / Que toute votre peau ne me tenterait pas » (Tartuffe, III, II).